En 1944, le poète Gandilhon Gens-d’Armes écrivait : « Jean-Marie Gaston naquit à Vercueyre, il y a quelque trente ans, dans une maisonnette au toit rouge que j’aperçois de mon jardin. Il y vécut cinq ans, puis cinq ans dans une autre, au même village, puis un an à Laroquevieille. Son père, qui était cantonnier, se fixa enfin à Tidernat. L’enfant musait près de lui au long de la route, cherchant des nids, des fruits sauvages, se taillant au couteau de menus objets… Sa grande joie était d’accompagner son père à la pêche. Une enfance rustique, humble et sensible… »
L’enfance a marqué d’une manière définitive la vie de Jean-Marie Gaston, né le 28 mai 1911 à Vercuères de Laroquevieille (Cantal). Pendant cette période, il sent grandir en lui cet amour de la nature qui ne le quittera plus et qui transparaîtra tout au long de son œuvre. Ses émois et ses ravissements seront pour les paysages du Cantal.
Il en est de même pour la foi. Élevé dans la plus pure tradition chrétienne, un grand nombre de ses poèmes sont nourris de cette dimension spirituelle à la recherche des mystères de la vie et qui rendent grâce à l’œuvre de Dieu.
En 1921, alors qu’il n’a que neuf ans, sa mère meurt. Cette disparition brutale et prématurée est un drame dont Jean-Marie Gaston ne s’est jamais remis.
Quelques mois après, son père décide de le « louer » dans une ferme.
C'est adolescent, au collège Saint-Eugène d’Aurillac, que la vocation de Jean-Marie Gaston s'affirme. Parmi ses maîtres, son professeur de français, l’abbé Bosc, lui révèle les beautés de la langue et de la littérature françaises. Il lui fait découvrir Arsène Vermenouze (1850-1910) considéré comme le plus grand poète d’oc du Haut-Midi. C'est le déclencheur. Jean-Marie Gaston exprimera tout au long de sa vie, son admiration : "A Vermenouze".
Cependant, après trois années passées à l’Institution Saint-Eugène d’Aurillac, il lui faut trouver du travail.
Jean-Marie Gaston est embauché comme apprenti dans l’entreprise de transports Saupiquet qui fait la liaison de Vercuères à Aurillac en passant par la Route des Crêtes.
Trois ans plus tard, muni de son permis de conduire, il tente une autre expérience de ce type, chez Faintrenie, du village d’Hougades. Il décide alors d’acheter un camion à ce dernier et crée sa propre petite entreprise qui voit le jour à Tidernat. Elle fonctionnera jusqu’à la guerre de 1939.
Trois fois ajourné de service militaire, il est requis comme territorial et se retrouve alors chauffeur des ingénieurs au barrage de Saint-Etienne Cantalès.
C’est dans les quelques moments de loisirs de sa vie professionnelle qu’il écrit son premier poème, « La Mangounieiro ». Nous sommes en 1931 : Jean-Marie à tout juste vingt ans. Il s’agit de sa première œuvre publiée dans la revue félibréenne cantalienne « Lo Cabreto ».
Son premier recueil de poèmes « Premières semailles » paraît en mai 1944 alors qu’il vient d’atteindre la trentaine. Gandilhon Gens-d’Armes, critique littéraire considéré comme incontournable dans la culture d’oc de la première moitié du XXème siècle, écrit sans hésiter : « L’ancien petit berger de Laroquevieille Jean-Marie Gaston est un vrai poète ».
Dès lors, le jeune poète est adopté par ses aînés puis fréquente des félibres chevronnés comme Fernand Prax (1890-1970), Etienne Marcenac (1874-1956) ou l’abbé Mathieu, curé d’Ytrac (1878-1962).
Rien ne laisse prévoir qu’un jour, Jean-Marie quittera définitivement cette Vallée d’Authre qu’il adore, pour aller s’installer en Châtaigneraie cantalienne. C'est le miracle de l'amour.
En 1946, l’abbé Vieilrecobre, prêtre de sa connaissance, vient d’être nommé curé de Calvinet. Ce dernier lui fait connaître une demoiselle Garrouste dont le père tient un des magasins calvinétois. C'est une boutique comme il en existe à l’époque, avant la prolifération des grandes ou moyennes surfaces, où l’on trouve de tout, du pain à l’épicerie, des vêtements à la quincaillerie.
En 1948 c’est le mariage, suivi un an plus tard, de la naissance d’un fils, Louis-Marie.
Désormais, Jean-Marie travaille dans le magasin familial de sa belle famille, aux côtés d’Anne-Marie. Il y assure, notamment, les tournées régulières dans les villages voisins où n’existe aucun
magasin. Cela durera 25 ans, jusqu’à la disparition brutale d’Anne-Marie.
Pendant ses années, le poète Jean-Marie Gaston contribue à une chronique littéraire franco-occitane dans le journal catholique « La Voix du Cantal » sous le pseudonyme du Père Menfouté et signe les paroles de nombreuses chansons régionales sous le nom de Jean Lila.
Le Père Menfouté est une figure littéraire originale créée de toutes pièces dans les années qui ont précédé la guerre 1914-1918, celle « d'un vieux paysan de la Châtaigneraie qui s’exprime dans un français où affleure l’occitan local (lexique, orthographe ; expressions, phrasé…) en liaison avec une tournure d’esprit. […] Avec son épouse Marianon, il forme un des couples populaires célèbres de la culture occitane… » précise Noël Lafon. Jean-Marie Gaston hérite de cette chronique et continue à faire vivre ce personnage à la suite de son créateur Paul Larive et de l’abbé Bromet, natif de Montsalvy et alors curé de Cassaniouze, décédé en 1955. Sa collaboration durera jusqu’aux années 1980.
En 1960, lorsqu'il rentre à la Société des Auteurs et Compositeurs de Musique afin de pouvoir toucher ses droits d'auteur en qualité de parolier, il existe déjà un Jean-Marie Gaston. Pour éviter de fâcheuses confusions dans les répartitions des droits, il adopte alors le pseudonyme de Jean Lila. C’est le compositeur et accordéoniste Maurice Rigal qui s’est, le premier, intéressé à lui et l’a poussé à se faire inscrire. Il mettra son talent à l’écriture de nombreuses chansons destinées à renforcer l'identité locale.
En 1978, Jean-Marie Gaston décide de cesser son travail dans l’épicerie familiale, passe les rênes à son fils, et se consacre entièrement désormais à la vie littéraire et félibréenne.
« Miounelo », l’œuvre poétique la plus importante de Jean-Marie Gaston, l’est non seulement par sa longueur (294 pages – 3 658 vers en occitan) mais par son genre d’œuvres rares qui vont des Chansons de Geste du Moyen-Age relatant les hauts faits d’armes ou d’amour de personnages historiques à la « Mireille » du poète provençal en langue occitane qu’est Frédéric Mistral, Prix Nobel de Littérature en 1904.
« J’ai commencé sa rédaction au début de 1983. […] Ce poème, je l’ai écrit, dans la langue que j’ai apprise en suçant le lait maternel. On est d’abord poète et poète original dans la langue
immédiate, la langue de son berceau. Cette merveilleuse langue d’oc – Le patois disions-nous dans mon enfance possède mieux que le français, cette qualité exceptionnelle de sonorités et de
rythmes et cette richesse d’images incluses dans le vocable eux-mêmes, d’où sort une musique avec, très souvent, dans le vers, cette harmonie caressante pour l’oreille… » Il en achève
la rédaction le 27 décembre 1988.
La beauté de cette œuvre vaut à Jean-Marie Gaston, la distinction félibréenne de « Mestre en gai Saber » avec l’octroi de la pervenche d’or.
Noël Lafon, auteur de l’ouvrage de référence « Écrits occitans cantaliens » estime qu’avec « son œuvre franco-occitane abondante au centre de laquelle trône « Miounelo » Jean-Marie Gaston est le grand poète de langue d’oc de la deuxième moitié du 20ème siècle. »
Décédé le 13 novembre 2016, Jean-Marie Gaston repose dans le cimetière de Calvinet.
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clichés J.-P. Bonhuil / Musée du Veinazès
LE NID BRISE –Roman- 82 pages Editions du Cantal- 1940.
ROSE LANGLADE – Roman- 55 pages- Editions Gerbert Aurillac – 1944 – Une histoire d’amour entre Georges, fils de Jean Duramel, propriétaire de la ferme de la Grenouillère, et Rose Langlade, leur servante.
PREMIÈRES SEMAILLES – Poésies - 78 pages – Editions Gerbert Aurillac – 1944 – C’est son premier recueil de poèmes. Avec une préface de Gandilhon Gens-d’Armes. 24 textes et 22 illustrations signées JAB. Annonce comme en préparation « Lo Guerbo », poème en langue d’oc qui ne paraîtra jamais.
UN VILLAGE DE HAUTE AUVERGNE : CALVINET – 60 pages - Monographie – 1962 - Editions Gerbert Aurillac - Avec 7 photos du village à cette époque. Une histoire du village depuis le Moyen Age.
CANTAL MON BEAU PAYS – 60 pages – Imprimerie Moderne – Aurillac – 1981 –Un chant d’amour en prose pour le Cantal.
LES CARILLONS DU CRÉPUSCULE – Poésies – 134 pages – Editions Guilde des Lettres, Paris – 1983 – Soixante sept poèmes en langue française. Deux de ces poèmes ont reçu un prix. Ce sont « Le Château de Calvinet » aux Jeux Floraux de Touraine en 1983 et « Le Condamné à mort », premier prix avec mention au Concours de la Légion Violette. VII° Grand Prix du Sonnet 1959.
LETTRES DE MON VILLAGE - Mémoires et récits – 120 pages – Editions Gerbert - Aurillac – 1987 – Dix-huit récits tournant autour de son enfance plus quelques portraits typiques de personnages. Avec 14 dessins d’André Puech et deux photos de Vercueyres village de son enfance .
MIOUNELO – Poème – Editions Gerbert - Aurillac – 1990 – 296 pages. Ce poème en langue d’oc avec son adaptation en langue française en regard, compte 3658 vers divisés en 10 chants. C’est l’œuvre majeure de Jean-Marie Gaston. Ce recueil lui a valu la Gentiane d’Or et d’être admis « Mestre en Gai Savoir » distinction décernée lors des fêtes de la Sainte Estelle de Mende.
FABLES MODERNES – Poèmes – 96 pages – Editions Gerbert - Aurillac - 1998 - Ce sont vingt huit fables illustrées de dix-huit dessins d’André Puech.
RÉCITS D’UN TEMPS PERDU – Prose – Editions Gerbert - Aurillac – 1999 – 126 pages. Onze récits et souvenirs d’enfance et extraits d’un « Journal Oublié » des années 1974.
DERNIÈRE MOISSON - Poèmes – 56 pages - Editions Gerbert - Aurillac – 2007.
A ces œuvres parues en librairie dans des recueils la plupart épuisés, il faut ajouter quelques 43 poèmes, presque tous en langue d’oc, parus dans la revue « Lo Cobreto » entre Mai 1931 et Juillet 1939.
On relève plusieurs dizaines de paroles de chansons en langue d’oc ou en français, dont certaines sont devenues des classiques pour de nombreux orchestres régionaux (auvergnats ou occitans).
Raymond Lavigne, "Jean-Marie Gaston. Félibre, écrivain, poète et parolier", Chronique du Veinazès N°40 - 2011.
Noël Lafon, "Écrits occitans cantaliens", Editions Lo Convise, Aurillac, 2008.