Le bonheur et la Liberté ne mourront pas,
tant qu’il restera un Raymond Lavigne
pour dire non quand il le faut et oui quand il le veut.
Michel Rachline
Je suis un communiste heureux, Ed. La Table ronde, 1981
Raymond Lavigne voit le jour le 1er septembre 1922 au Bleymard (Lozère) où son père Albert est affecté.
Lorsque ce dernier est promu Receveur des postes, la famille s’installe à Bagnac-sur-Célé (Lot).
A 12 ans, Raymond rejoint Cahors pour l’internat et la préparation du certificat d’études. Elève moyen, il obtient ses examens même s'il passe plus de temps à la lecture des ouvrages de la bibliothèque de l’école. Avec 1936 et le grand mouvement libertaire qu’est le Front Populaire, Raymond découvre avec émotion la littérature d’Emile Zola.
Au lendemain de la déclaration de la guerre, l’école laïque fréquentée par Raymond ferme ses portes. En sa qualité de boursier, il bénéficie d’un reclassement dans un établissement similaire à Rodez afin de terminer son cycle de trois ans d’études qui le conduit à l’obtention du Brevet supérieur en 1941. C’est dans cette ville qu’il s’ouvre à la poésie, dans un café ruthénois autour d’un poète local Denis-Paul Bouloc.
En 1942, Raymond assure, comme instituteur, un remplacement à Ginolhac d’Enguialès (Aveyron).
Comme tous les jeunes gens, Raymond est incorporé dans les chantiers de jeunesse auxquels sont soumis les jeunes hommes. La durée de cette obligation qui s’apparente au service militaire est de 8 mois. Raymond « fait ses armes » à Saint Pé de Bigorre (Hautes Pyrénées). C’est alors que se produit l’invasion de la zone sud (dite libre) par la frontière espagnole par les Allemands. Replié par les chantiers de Jeunesse à Entraygues-sur-Truyère (Aveyron), il est « réquisitionné » pour partir en Allemagne au titre du Service du Travail Obligatoire.
De longues heures de train l’emportent dans une petite usine de campagne de la Tchécoslovaquie annexée par l’Allemagne.
Un séminariste parlant allemand, désigné comme interprète pour le groupe, a accès aux bureaux administratifs où il substitue des documents officiels. Raymond se révèle un très habile artisan en « faux en écriture » en s'octroyant une permission grâce à de faux certificats.
Arrivé à Paris en 1943, il n'en repart plus.
A Paris, Raymond est hébergé par un cousin, Roger Piault, qui a des liens avec la Résistance, fabrique des faux papiers et dirige une maison d'édition plus ou moins clandestine qu'il baptise RPR (Raymond Piault et Raymond Lavigne).
Là, il côtoie André Verdet, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, René Lacôte, Henry de Montherlant mais aussi Robert Desnos qui tient, à la demande de la Résistance, une rubrique littéraire au journal collaborationniste «Aujourd’hui ».
Un temps aide bibliothécaire à la Sorbonne, Raymond s'engage dans le réseau résistant gaulliste « Défense de la France ». Il quitte la Sorbonne pour assurer des liaisons entre les Maquis et Paris et participe à la Libération de Paris.
L’inclinaison à résister de Raymond remonte à son expérience de jeune instituteur à Ginolhac, où il refusait de lire en classe l’hommage à Pétain.
Après la Libération de Paris, Raymond choisit de poursuivre l’offensive victorieuse en s’engageant dans les commandos d’Afrique. Avec ses frères d’armes, il poursuit les combats victorieux qui les portent sur le Rhin puis au delà du Danube, en tête de toutes les armées alliées. Raymond est décoré de la croix de guerre avec étoile d’argent et quitte l’armée avec le grade de sergent.
Libéré fin 1944, son premier geste de civil est d’adhérer au Parti Communiste, choix avant tout patriotique, Raymond s’étant reconnu dans l’idéal de ses camarades de Résistance.
Raymond se révèle un vrai militant, défendant par exemple la mixité contre les caciques du parti. Son engagement est apprécié, mais plus que la politique, c’est le journalisme qui l’attire. Sur recommandation d’un camarade employé au service administration du journal « Ce Soir », il y est embauché. Il trouve tout naturellement sa place au sein du service politique de ce quotidien qui est un organe de presse non officiel du Parti.
Son profil de jeune journaliste est un réel atout pour coller au plus près de l’actualité des conflits sociaux d’après guerre : il aime le terrain, le contact avec les gens et l’action.
Parti trois à quatre jours pour suivre la grève de 1947 dans le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais, Raymond y reste 45 jours. Quand la grève s’achève, c’est Raymond qui distribue aux « gueules noires » leur première cigarette.
Cependant, son statut de témoin des événements n’est pas sans danger. Il sera tabassé par les forces de police alors qu’il rend compte d’une manifestation estudiantine contre la guerre d’Indochine. Puis, quelques années plus tard, menacé d’être poursuivi par les services de contre espionnage français pour atteinte à la sûreté de l’Etat.
Lorsque "Ce Soir" disparaît, Raymond se recase dans un autre journal d’opinions « L’Humanité ». Secrétaire de rédaction, chef des services des correspondants, rédacteur en chef-adjoint de l'Humanité-Dimanche puis secrétaire général du journal, Raymond retrouve sa liberté lorsqu'il est désigné grand reporter. Ses pas le conduisent au Yémen, en Corée, en Chine, en Sibérie, en URSS, en Finlande et même à Genève au siège de l’ONU.
Sa vie de journaliste est au service des idées qu’il défend, des idées de bonheur.
« Les idées de bonheur, c’est de pouvoir vivre sa vie sans être au chômage, sans être à la rue, sans être… c’est ça le bonheur ou tout du moins les éléments qui contribuent au bonheur, car lorsque l’on est dans la misère noire, on peut être très attaché, très amoureux mais peut-on être heureux ? Il faut un minimum de possibilités pour pouvoir vivre sa vie et accomplir ses rêves le cas échéant. »
Raymond est « un communiste heureux » et il le publie dans un livre autobiographique qui lui vaut d’être invité dans la fameuse émission littéraire de l'époque, « Apostrophe », animée par Bernard Pivot.
Insatiable curieux, Raymond prend des chemins buissonniers pour musarder dans la création littéraire et artistique.
Il travaille à des scénarios comme Les copains du dimanche mais aussi « Une fée pas comme les autres » de Jean Tourane, un long métrage avec Saturnin, un petit canard. C’est là, qu'il rencontre Simone Gafier, une parolière, qui va devenir sa femme en 1959 jusqu’à sa disparition en 1977. Ensemble, ils vont travailler sur les aventures de Poly, le petit cheval.
Simone est une parolière de talent, reconnue dans la profession sous la signature de Jacques Larue puis sous le nom de Serge Lebrail. C'est sous ce nom qu'elle écrira de nombreux succès populaires, notamment avec Pascal Sevran, la chanson interprétée par Dalida "Il venait d'avoir 18 ans".
De son côté, Raymond publie une série de romans policiers dont l'intrigue se déroule à Calvinet. "L'Auvergnat n'aime pas la châtaigne", paru en 1977, ouvre la voie à une série de six polars édités par Authier.
Après la mort de Simone, Raymond retrouve Calvinet.
En 1982, à l’occasion de sa retraite, il décide de séjourner durant six mois dans la Châtaigneraie cantalienne mais l’hiver, il retrouve son petit appartement sur la butte de Montmartre, loué à son ami Pascal Sevran.
Dans les années 90, il consacre son temps libre à écrire des monographies de plusieurs villes françaises et rédige des conférences qu’il dispense au cours de croisières en Méditerranée.
C’est en 1993 qu’il jette définitivement l’ancre à Calvinet où il devient conseiller municipal de 1996 à 2001 et où il rencontre Jeanne Constan qu'il épouse en 1997. Tous deux se reconnaissent un lien de parenté lointain et travaillent sur le projet d’un ouvrage généalogique consacré à la famille Lavigne qui paraît sous le titre de « Cousins d’Auvergne ».
Décédé en 2014, Raymond Lavigne repose dans le cimetière de Calvinet.
Recueils de poésies :
Voyage en pure lune, juin 1942 – juin 1944, RPR, 1945.
Ne m’oubliez pas, 1949.
La Belle saison, Seghers, 1950.
Poèmes pour Henri Martin, Seghers 1951.
Les Rigolos, en collaboration avec Pascal Sevran, Authier, 1975.
Paris à l’œil, en collaboration avec Mathieu Blanchard, Authier, 1976.
Série L’Auvergnat, Editions Authier, 1977-1980.
Je suis un communiste heureux, La Table ronde, 1981.
Monographies de villes :
Sarlat, un art de vivre, Messidor, 1987.
Saint-Pierre-des-Corps ou la clarté républicaine, Messidor, 1988.
Montataire, debout depuis les Jacques, Messidor, 1990.
Balaruc-les-bains, une ville au pluriel, Messidor, 1991.
Damparis, l’empreinte de la pierre, Scanéditions, 1992.
Trappes, mémoires d’avenir, Mairie de Trappes, 1997.
Chronique du Veinazès :
« Aristide Sarrauste, fondateur de la famille de l’Orphelin », n° 39, 2010.
« Jean-Marie Gaston, félibre, poète et parolier », n° 40, 2011.
Jean-Paul Bonhuil, "Raymond Lavigne - Le peau rouge", Chronique du Veinazès, N°43 - 2012.