Témoignage discret mais omniprésent de la foi des Cantaliens, les nombreuses croix recensées, bien que dispersées, ne se trouvent pas n’importe où. En effet, nous les rencontrons au bord des
chemins pour marquer une limite de propriété, à l'entrée des villages, sur les places, les sommets, les ponts, les carrefours, au pied de sources, en surplomb des fontaines ou au centre du
cimetière.
Celles situées aux sommets des rochers, des puys et des montagnes sont des signes de christianisation du paysage et le marquent symboliquement. Tel est le cas de la croix des Trois arbres.
Par ailleurs, les croix de carrefour revêtent une importance dans notre région car elle indiquent la présence du croisement qui, une partie de l’année, peut être recouvert de neige. Au regard du cadastre de 1836, la croix de carrefour du site des Trois Arbres (Lacapelle-del-Fraisse) répond aussi parfaitement à cet usage.
En revanche, cette croix avait une troisième fonction aujourd’hui oubliée.
Au décès d’un habitant, la dépouille était transportée du lieu de son trépas à l'église paroissiale puis au cimetière. Le corps transporté à bras, suivait des itinéraires choisis les plus courts possible. Ainsi, entre les hameaux et le chef-lieu de la paroisse, des croix étaient installées pour permettre aux porteurs de faire une pause.
A proximité de la croix des Trois Arbres, une grosse dalle de schiste subsiste ; elle servait de reposoir pour le cercueil. Ainsi à Lacapelle-del-Fraisse, cette « croix sur la voie des morts » reste, à notre connaissance, un exemple unique de cette tradition dans le Veinazès.
Au cours du 19e siècle, les chemins de communication s’améliorent et le réseau se développe. Les voies des morts sont progressivement délaissées car on peut désormais transporter le corps du défunt sur un char à bœufs en suivant les nouvelles routes.
Au 20e siècle, l’usage du corbillard se généralise définitivement.
Dans le cadre des regroupements de propriétés (champs, bois) et l’élargissement des chemins facilitant l’accès aux parcelles avec de gros véhicules (tracteurs, remorques, bulldozers), de nombreux reposoirs sont arrachés ou retirés. Celui de la croix du site des Trois Arbres a certainement été préservé par son emplacement, situé sur un site public reconnu pour son panorama.
Inventaire du Patrimoine du Veinazès - Fiche N° P/[M 05]/CBO/01 - Lise Coste.
Documentation Lacapelle-del-Fraisse - Archives Musée du Veinazès.
Pierre Moulier, Croix de Haute-Auvergne, Editions Créer, 2003.